Elle avait retenu son souffle jusqu’à ce qu’elle claque la porte de l’appartement et glissé dessous une feuille pliée en deux. Il y a avait quelques mots gribouillés à la va-vite dans cette feuille, mais aussi la clé de l’appartement. Elle avait retenu son souffle dans les escaliers et franchit la porte de l’immeuble précipitamment, elle voulait s’en éloigner avant qu’il ne rentre. Elle avançait dans cette rue piétonne d’un pas engagé et léger, comme sa valise. De toutes les façons elle ne voulait pas prendre grand-chose de ce qu’elle laissait derrière elle, de ce qu’elle plaquait. Les claquements de ses bouts de talons et le roulement de sa valise la faisaient sourire, des bruits qui résonnaient comme des notes de liberté dans cette rue. En rentrant ce soir, elle ne pensait pas ressortir dans l’heure qui suivait avec sa valise. Toute la journée, elle ne voulait pas répondre à ses appels pour ne pas lui dire au revoir, pour ne pas pleurer. Ce soir, en sortant de sa douche, elle trouvait un message "je ne prendrai pas l’avion sans toi". Elle qui ne voulait pas pleurer en lui disant au revoir, c’est en sanglot qu’elle faisait sa valise. Pour une fois qu’elle pleurait de bonheur dans cet appartement. Elle sait qu’il l’attendra, elle sait qu’il l’aimera. Maintenant elle sait aussi que c’est avec lui qu’elle veut refaire sa vie, elle qui avait peur d’être déçue une fois encore, d’être seulement un trophée sur talons hauts qu’un homme voulait exhiber à son bras lors des soirées mondaines. Elle commence à hâter le pas pour sortir de cette rue qu’elle quitte avec un sourire après l’avoir tellement traversée le visage triste. Ce soir elle s’envole vers une autre vie et un autre continent, mais s’envole surtout avec celui qui l’aime. Ce soir, elle n’a jamais respiré un air aussi doux dans cette rue.
Ce texte est une contribution au Jeu d'écriture(s) du blog à 1000 mains sur une photo de Robert Lubanski.